Biographie

Venu étudier la médecine en France à 19 ans, en 1948, T'ANG Haywen se met à peindre, et fréquente l'atelier de la rue N.D. des Champs.

S'il se forme au contact de l'art occidental, il obéit de plus en plus aux intimations de son héritage chinois, qui l'entraînent à pratiquer le lavis de préférence à la peinture à l'huile ou à l'acrylique.

Ayant étudié la calligraphie avec son grand-père, il retrouve les rythmes alternant pleins et vides sur le support en une danse qui révèle et prolonge celle des souffles cosmiques.

Bien qu'ayant exposé tant à l'étranger qu'en France en des lieux nombreux et parfois prestigieux, tels que l'Ashmolean Muséum d'Oxford (1975) ou la National Gallery of Science de Washington (1983) il n'obtient l'intérêt véritable qu'il mérite qu'après sa disparition en 1991.

Après une exposition organisée au Musée Océanographique de Monaco puis à Taïpei et Hongkong, il est présenté de nouveau en France au Musée de Pontoise en 1999, puis, simultanément, en 2002, au Musée Guimet à Paris et au Musée des Beaux Arts de Chambéry (où déjà une exposition de ses œuvres avait eu lieu en 1979), tandis qu'il faisait l'objet d'un colloque à l'Université de Savoie.

Les 58 œuvres présentées à Chambéry constituent une donation qui a été prêtée à la ville d'Evian en 2003, et peut l'être à d'autres Musées en France ou à l'étranger.


Sous le regard d'un ami

T’ang Haywen, Parcours - Claude Fournet

(Extrait de la revue La Polygraphe numéro 33-35 "Les sembles")

T’ang Haywen nait en 1927 à Xiamen, province du Fuyan, terre méridionale de Chine, dans une famille de commerçants aisés. La mouvance des guerres le conduit au Vietnam qu’il quittera à vingt ans pour la France.
A Paris, il suit les cours de l’école de médecine et commence à dessiner, puis à peindre. Il participe à des troupes de théâtre, monte sur les tréteaux, voyage en France et ailleurs.
T’ang Haywen ne cessera plus de partir. Dans la peinture, dans les livres, dans la musique, mais aussi en Europe, aux Etats-Unis et en Afrique du Nord. Il ne retournera jamais en Asie. L’autre Chine, la sienne, est celle de l’encre et des pinceaux. C’est la Chine qu’il nous a légué. La seule qui lui ressemble.

Je rencontre T’ang Haywen vers 1964, un presque jeune homme qui ne vieillira pas. Il mourra comme un oiseau sur la branche en 1991. T’ang Haywen n’appartient pas à l’Occident. Est-il pour autant un Oriental ? C’est un Chinois dans l’empire des signes. C’est un calligraphe : un poète et un musicien. Son oeuvre est un journalier innombrable, à l’égal du voyageur et de l’errant qu’il fut. Le monde des signes n’est pas un monde figuratif. Ce n’est pas un univers abstrait. La calligraphie chinoise n’a jamais cessé de nier ces deux pôles - pour retenir la pulsion. Le volontarisme occidental, son goût de la mort et du psychologique lui sont étrangers.
T’ang Haywen ne se sent responsable de rien, pas plus des dieux que des hommes. Mais il ne les exclut pas. Il les célèbre à sa manière. Il n’exclut rien : pas de dogme, pas de croyance...Un mystique de l’instant qui rejoint le taoïsme. Coulent l’encre noire et l’espace blanc des taoïstes...

Des expositions un peu partout. Au gré des voyages. Des amitiés. Jamais des intérêts. Aucun souci de carrière. Très peu d’argent. Si peu qu’il ne possèdera jamais rien. A peine une chambre et un lit, une vieille voiture. Et des amis. De vrais amis. Dans l’amitié où il eut son accent le plus tendre. De Balthus à quelques très rares artistes ? Des conservateurs comme Dominique Ponneau ou Jean-Paul Desroches.

L’accès aux humbles : ce défaut de hiérarchie, ce refus de la différence, c’est encore l’approche du taoïsme qui l’insinue. Et l’enseignement de la calligraphie, parfois avec Hélène de Laguérie et quelques autres. Et, au dessus de tout, les poètes.
T’ang Haywen n’a jamais retenu aucun historien d’art. Il ne s’en souciait pas. Nul mieux que lui ne sut combien l’apparente légèreté de l’être pouvait comporter de mystère.

Claude Fournet