Calligraphie


L'école de calligraphie de T'ANG Haywen

Ayant appris par des amis communs les difficultés financières dans lesquelles se débattait le peintre, Hélène de Laguérie lui proposa de donner des cours de calligraphie dans l’association fondée par ses élèves. Les cours ont eu pour premier cadre la Maison de la Culture de Saint Germain en Laye, en 77, puis, l’année suivante, la Mairie du Vésinet, qui accueillit alors l’association (laquelle prit le nom d’I.R.I.S.).
Mais la nécessaire régularité des cours se conciliait mal avec les déplacements qu’affectionnait T’ang, et qui servaient ses projets d’exposition à l’étranger – Aussi demanda-t-il, deux ans après, que les cours aient lieu dans son modeste appartement de la rue Liancourt . Certes, celui-ci ne pourrait accueillir la vingtaine de participants qui s’était inscrite au cours.
Mais la question ne s’est pas posée, car seuls les "happy few" ont choisi de venir jusqu’à Paris. T’ang disposait les tables, y compris une table roulante, pour que puissent travailler 6 ou 7 fidèles d’alors :

Claire Dott, Suzanne Laudrin, Isabelle Michelon, Jacqueline Didier-jean, Anne Träger, Anne-Marie Vilnet, Hélène de Laguérie.
Selon le vœu du peintre, les dates furent alors décidées d’un cours sur l’autre. C’est ainsi que, de façon irrégulière mais constante, ce petit groupe s’est réuni autour de T’ang jusqu’au printemps 91, pour travailler sur des poèmes… de l’époque TANG, justement, qu’on pouvait retrouver dans l’ouvrage de François Cheng sur l’écriture poétique chinoise (Seuil).
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Je rencontre T’ang Haywen vers 1964, un presque jeune homme qui ne vieillira pas. Il mourra comme un oiseau sur la branche en 1991. T’ang Haywen n’appartient pas à l’Occident. Est-il pour autant un Oriental ? C’est un Chinois dans l’empire des signes. C’est un calligraphe : un poète et un musicien. Son oeuvre est un journalier innombrable, à l’égal du voyageur et de l’errant qu’il fut. Le monde des signes n’est pas un monde figuratif. Ce n’est pas un univers abstrait. La calligraphie chinoise n’a jamais cessé de nier ces deux pôles - pour retenir la pulsion. Le volontarisme occidental, son goût de la mort et du psychologique lui sont étrangers.
T’ang Haywen ne se sent responsable de rien, pas plus des dieux que des hommes. Mais il ne les exclut pas. Il les célèbre à sa manière. Il n’exclut rien : pas de dogme, pas de croyance...Un mystique de l’instant qui rejoint le taoïsme. Coulent l’encre noire et l’espace blanc des taoïstes...
Des expositions un peu partout. Au gré des voyages. Des amitiés. Jamais des intérêts. Aucun souci de carrière. Très peu d’argent. Si peu qu’il ne possèdera jamais rien. A peine une chambre et un lit, une vieille voiture. Et des amis. De vrais amis. Dans l’amitié où il eut son accent le plus tendre. De Balthus à quelques très rares artistes ? Des conservateurs comme Dominique Ponneau ou Jean-Paul Desroches.
L’accès aux humbles : ce défaut de hiérarchie, ce refus de la différence, c’est encore l’approche du taoïsme qui l’insinue. Et l’enseignement de la calligraphie, parfois avec Hélène de Laguérie et quelques autres. Et, au dessus de tout, les poètes.
T’ang Haywen n’a jamais retenu aucun historien d’art. Il ne s’en souciait pas. Nul mieux que lui ne sut combien l’apparente légèreté de l’être pouvait comporter de mystère.